MONSIEUR DUDRON

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Annibal: Le tableau

    En évoquant ce souvenir, Monsieur Dudron resta pensif un peu de temps, puis, machinalement, il s’occupa de préparer son lit, de mettre sur sa table de nuit l’indispensable verre d’eau, avec sa boîte d’allumettes, la bougie et la montre. Ensuite, il se déshabilla et se coucha. Monsieur Dudron était un peu fatigué; sa journée avait été un peu agitée et maintenant il éprouvait un grand plaisir à s’étendre voluptueusement dans son lit. Selon une vieille habitude qu’il avait, il tenait posé sur un chevalet le dernier tableau auquel il était en train de travailler et qui représentait un homme à l’aspect fier et barbare enveloppé jusqu’au menton dans un grand manteau noir et chevauchant un petit cheval à la crinière longue et au corps musclé. Autour du cavalier, on voyait un site sauvage, des rochers et de sombres sapins. Monsieur Dudron avait déjà donné un titre à cette peinture inachevée; il l’appelait Annibal ; et maintenant, couché dans son lit, il la regardait en fumant sa pipe et se perdait en rêveries, tandis qu’il sentait que, sur ces pensées et les images qu’il voyait dans son esprit, descendait le brouillard du bon sommeil, les vapeurs du doux sommeil, le doux sommeil réparateur des fatigues et des pensées des mortels … Annibal ! …

Annibale: Il quadro

    Rievocando quel ricordo, il Signor Dudron rimase sopra pensiero per un po’ di tempo, poi, meccanicamente, si mise a preparare il letto, dispose sul tavolino da notte l’indispensabile bicchiere d’acqua, una scatola di fiammiferi, la candela e l’orologio. Infine egli si spogliò e si coricò.
    Egli era un poco affaticato; la sua giornata era stata piuttosto movimentata, ed ora provava gran piacere a stendersi voluttuosamente nel suo letto. Secondo una vecchia abitudine, egli teneva poggiato sopra un cavalletto l’ultimo quadro al quale aveva lavorato e che rappresentava un uomo dall’aspetto fiero e barbaro, avviluppato fino al mento dentro un grande mantello nero su un piccolo cavallo dalla lunga criniera e dal corpo muscoloso.
    Intorno al cavaliere si vedeva un luogo selvaggio, delle rocce e scuri abeti. Il Signor Dudron aveva già dato un titolo a quella pittura incompiuta; la chiamava Annibale; ed ora, sdraiato nel suo letto, la guardava mentre fumava la sua pipa e si perdeva in fantasticherie; frattanto sentiva che sui pensieri e sulle immagini che egli vedeva bellamente, scendeva la nebbia di un buon sonno, scendevano i vapori del dolce sonno, del dolce sonno ristoratore delle fatiche e dei pensieri dei mortali … Annibale!

Varianti

[Cronologia delle varianti].

La prima stesura del passo, in italiano, si trova nel cosiddetto Manoscritto Barbizon dell’autunno 1937 (vedi Cronologia), conservato presso la Fondazione de Chirico e che non siamo in grado di riportare in questa rassegna delle varianti perchè mai pubblicato.

Il brano, tradotto in francese e non sappiamo se e con quali varianti fu pubblicato in Ce soir-là, Monsieur Dudron…, il primo dei Deux Fragments Inédits, stampati a Parigi nel 1938 per i Quaderni della collezione “Un Divertissement” di H. Parisot:
    C’est donc un peu fatigué que ce soir-là M. Dudron rentra chez lui; il se déshabilla et se coucha après avoir eu soin de contrôler si dans la table de nuit l’indispensable pot de chambre était bien à sa place et si sur la table de nuit si trouvaient ces objets qu’il avait l’habitude de voir à portée de sa main lorsqu’il se disposait à partir en voyage dans le royaume mystérieux de Morphée, c’est-à-dire: un verre plein d’eau, une boîte contenant des cachets contre un éventuel mal de tête ou de dents; une plume stylographe dûment remplie d’encre, deux crayons, l’un tendre, l’autre plus dur, une gomme à effacer, un carnet pour croquis, du papier pour écrire, un livre ou un journal, sa montre remontée avec soin, sa blague à tabac remplie de sa mixture préférée, sa pipe, un cendrier, une boîte d’allumettes en bois et un canif. Il avait aussi l’habitude de placer devant son lit, de façon à pouvoir bien le regarder, le tableau ou le dessin auquel il était en train de travailler. Ce soir-là, M. Dudron posa par terre, appuyée contre une armoire, une toile qu’il avait ébauchée la veille; bien qu’elle fût à peine commencée, on pouvait déjà voir un personnage au profil sévère, drapé dans un long manteau, un pan duquel s’enroulait autour du cou du personnage, qui montait un petit cheval noir, maigre et nerveux, dont l’œil très vif rougeoyait dans l’ombre comme une braise ardente; autour du cavalier et de sa monture se déroulait un paysage alpestre de rochers tragiques et de profondes ravins; M. Dudron avait déjà baptisé sa peinture: Annibal. Il la regardait tout en fumant sa pipe et en pensant au travail qui lui restait encore à faire. En même temps, ce nom, Annibal, lui revenait à l’esprit.

Annibal: Le coiffeur

    Ainsi s’appelait un garçon coiffeur que Monsieur Dudron, depuis de longs mois déjà, éduquait, avec une patience d’ancien pédagogue, à lui couper les cheveux comme il voulait, c’est-à-dire sans trop les couper, avec la raie de côté et en ramenant une mèche sur le front, et puis surtout sans lui demander à la fin de la coupe s’il voulait une friction. Ce n’était pas une chose facile, éduquer un garçon coiffeur dans ce sens. C’est incroyable combien de temps il faut pour apprendre à un garçon coiffeur qu’il ne doit pas vous couper les cheveux trop court et qu’après les avoir coupés, il ne doit pas vous demander si vous voulez une friction, des lotions sur la tête, etc. Il arrivait parfois que lorsque Monsieur Dudron, après une année qu’il avait fallu pour qu’il habituât un garçon coiffeur à lui couper les cheveux comme il voulait lui, Monsieur Dudron, il fût obligé de partir, de quitter la ville, de changer de résidence et alors, là où il s’était rendu, il devait tout recommencer chez un autre coiffeur. C’était à se désespérer !

Annibale: Il barbiere

    Così si chiamava l’aiutante del barbiere al quale il Signor Dudron già da lunghi mesi insegnava con pazienza degna di un pedagogo d’altri tempi, di tagliargli i capelli come voleva lui, vale a dire senza tagliarli troppo, con la riga da una parte e lasciando ricadere una ciocca sulla fronte, e poi anzitutto senza chiedergli alla fine se volesse una frizione. Non era una cosa facile educare un aiutante di barbiere in questo senso. È incredibile quanto tempo ci vuole per fare capire a un barbiere che non deve tagliare i vostri capelli troppo corti e che, dopo averli tagliati, non deve chiedervi se volete una frizione, delle lozioni sulla testa o altro … Succedeva a volte che il Signor Dudron, dopo aver impiegato un anno per abituare il barbiere alla maniera come voleva avere tagliati i capelli lui, Signor Dudron, fosse obbligato a partire, a lasciare la città, a cambiare residenza, ed allora, là dove si era recato, doveva ricominciare tutto da capo presso un altro barbiere. C’era di che disperarsi!

Varianti

Manoscritto Barbizon, 1937 cfr. Variante, Annibale: il quadro 

Ce soir-là, Monsieur Dudron…, (Deux Fragments Inédits, 1938):
    Annibal, ainsi s’appelait un jeune coiffeur qui travaillait dans une boutique où M. Dudron avait l’habitude d’aller une fois chaque mois pour se faire couper les cheveux. M. Dudron avait dressé Annibal à lui couper les cheveux selon son désir à lui et non selon la fantaisie du coiffeur; il voulait que ses cheveux fussent coupés très courts su la nuque: devant et sur les côtés, ils les voulait seulement rafraîchis. Surtout, il avait dressé Annibal à ne pas lui faire à la fin de la séance la fatale proposition de la friction; proposition dont il avait une folle terreur.

Annibal: Deux habitudes

    Monsieur Dudron avait l’habitude d’aller chez le coiffeur dans les premières heures de l’après-midi, le mardi; ainsi il pouvait être servi immédiatement car c’était une heure à laquelle en général il n’y avait pas de clients; à cette heure, les garçons n’ayant pas à s’occuper des clients, restaient assis, à bâiller, à fumer et à lire des journaux. Quand Monsieur Dudron apparaissait, le garçon qui s’appelait Annibal se levait et l’invitait à s’asseoir sur le fauteuil d’opération. Cela rappelait à Monsieur Dudron une autre scène : il avait l’habitude, lorsqu’il se rendait dans certaines maisons closes, d’y aller, comme chez le coiffeur, pendant les premières heures de l’après-midi et dans un jour de la semaine où il savait que les clients étaient plutôt rares. Là aussi, quand il apparaissait à la porte de la salle, la pensionnaire avec laquelle il avait l’habitude « d’aller en chambre » se levait, et, marchant devant lui, montait en bâillant à l’étage supérieur. La ressemblance de ces deux scènes avait fini par créer dans l’âme sensible et impressionnable de Monsieur Dudron un sentiment confus et compliqué ; il avait fini par voir Annibal, le garçon coiffeur, d’une drôle de façon; il avait fini par le voirautrement; pendant qu’ Annibal, la tondeuse à la main, lui travaillaitinterminablement les cheveux sur la nuque, Monsieur Dudron éprouvait comme un vague malaise, une étrange appréhension et même un certain sentiment de honte; il lui semblait que d’un moment à l’autre Annibal poserait la tondeuse sur le marbre de la toilette, qu’il monterait à l’étage supérieur et que lui, Monsieur Dudron, l’y suivrait …

Annibale: Due abitudini

    Il Signor Dudron aveva l’abitudine di andare dal parrucchiere nelle prime ore del pomeriggio, il martedì. Così poteva essere servito immediatamente, poiché era un’ora nella quale in generale non vi erano clienti. A quell’ora, il ragazzo non aveva da occuparsi dei clienti, restava seduto, sbadigliando, fumando e leggendo dei giornali. Quando il Signor Dudron appariva, il ragazzo che si chiamava Annibale, si alzava e l’invitava a sedersi sulla poltrona operatoria. Questo ricordava al Signor Dudron un’altra scena: egli aveva l’abitudine, quando si recava in certe case ospitali, di andarvi, come dal parrucchiere, nelle prime ore del pomeriggio, ed in un giorno della settimana nel quale sapeva che i clienti erano piuttosto rari. Lì pure, quando si presentava alla porta della sala, la pensionante con la quale egli aveva l’abitudine di “andare in camera” si alzava e camminava dinanzi a lui, salendo sbadigliando, al piano superiore. La somiglianza di queste due scene aveva finito per creare nell’animo sensibile ed impressionabile del Signor Dudron un sentimento confuso e complicato; aveva finito per vedere in Annibale, il ragazzo parrucchiere, [in uno strano modo]; aveva finito per vederlo altrimenti; mentre Annibale con alla mano la macchinetta gli lavorava interminabilmente i capelli della nuca, il Signor Dudron provava come un vago malessere, una strana apprensione ed al tempo stesso un certo sentimento di vergogna; gli sembrava che da un momento all’altro Annibale avrebbe posato la macchinetta sul marmo della toletta, che sarebbe salito al piano superiore e che lui, Signor Dudron, l’avrebbe seguito…

Varianti

Manoscritto Barbizon, 1937 cfr. Variante, Annibale: il quadro

Ce soir-là, Monsieur Dudron…, (Deux Fragments Inédits, 1938):
     M. Dudron avait l’habitude d’aller chez le coiffeur le mardi; tout de suite après le déjeuner, car il savait que c’était le moment où la boutique était presque toujours vide de clients; à son entrée les garçons somnolaient, assis dur les chaises, et en le voyant, celui qui s’appelait Annibal si levait et invitait à s’asseoir sur le fauteuil d’opération. Cette scène, qui se répétait régulièrement chaque mois, en rappelait à M. Dudron une autre, presqu’égale. C’était lorsqu’il allait dans certaine maison close où il avait aussi l’habitude de se rendre tel jour et à telle heure qu’il savait particulièrement favorables pour ne pas y rencontrer d’autres clients. Là aussi, à son arrivée, les pensionnaires bâillaient, assises ou étendues sur les divans, ou tricotaient tranquillement dans un coin; à son apparition, celle avec qui M. Dudron avait l’habitude de monter au chambre se levait et, sans proférer un mot, précédait d’un air ennuyé M. Dudron sur l’escalier qui menait à l’étage supérieur. La similitude des deux scènes avait fini par créer dans l’âme sensible de M. Dudron un étrange sentiment et lorsqu’il entrait dans la boutique du coiffeur il se sentait gêné; il avait l’impression qu’Annibal aurait commencé à gravir d’un air ennuyé les marches d’un escalier conduisant à l’étage supérieur et que lui, M. Dudron, l’aurait suivi, Annibal!…

Annibal: Le spectacle apparait

    Les vapeurs du sommeil montaient et montaient sans cesse dans l’esprit de Monsieur Dudron. Les images se confondaient; seul un nom : Annibal, résonnait clairement dans sa mémoire. Annibal ! Devant le monde étrange des rêves, le grand et épais rideau de la réalité et de la logique s’ouvrit lentement. Monsieur Dudron avait fermé les yeux, mais d’autres yeux s’étaient ouverts en lui et c’est plein d’étonnement et de curiosité qu’il regardait les spectacles qui se déroulaient devant lui.

Annibale: Lo spettacolo appare

    I vapori del sonno salivano e salivano senza posa nello spirito del Signor Dudron. Le immagini si confondevano; solo un nome: Annibale, risuonava chiaro nella sua memoria. Annibale! Dinnanzi al mondo strano dei sogni, il grande e spesso velario della realtà e della logica s’aprì lentamente. Il Signor Dudron aveva chiuso gli occhi, ma altri occhi si erano aperti in lui, e fu con grande sorpresa e curiosità che egli guardò lo spettacolo che si svolgeva dinnanzi a lui. Il quadro era sparito, e le pareti della camera e tutto quello che egli aveva l’abitudine di vedersi dintorno quando era coricato, era pure sparito.

Varianti

Manoscritto Barbizon, 1937 cfr. Variante, Annibale: il quadro 

Ce soir-là, Monsieur Dudron…, (Deux Fragments Inédits, 1938):
    Le brouillard du sommeil montait dans l’esprit de M. Dudron. Il devenait épais comme celui crée par la fumée de sa pipe et qui maintenant s’étendait en voiles flottants autour de son lit…; et voici que lentement à travers ce brouillard qui sentait le tabac fort, un spectacle surgit lentement et puis se précisa sur le fond ténébreux de la chambre.

Annibal: Le spectacle des Alpes

    Le tableau avait disparu et les murs de la chambre et tout ce qu’il avait l’habitude de voir autour de lui quand il était couché, avaient aussi disparu. Une longue chenille d’hommes et de chevaux, pliant sous le poids des bagages, avançait avec effort par les sentiers montants d’un sauvage site alpestre. De temps en temps retentissait dans les sombres vallées le barrissement long des éléphants qui éveillait dans le solennel silence alpestre les échos de la montagne. Un chef, un général, les cheveux au vent, serrant entre ses jambes les flancs maigres d’un petit cheval noir et musclé, avançait parfois avec l’avant-garde et parfois s’arrêtait pour encourager les soldats fatigués et désespérés, qui s’asseyaient sur les pierres qui bordaient le chemin. Parfois aussi ce chef scrutait du haut d’un rocher les sommets tout blancs; il les regardait intensément comme s’il eût voulu interroger ces cimes solitaires, ces hauteurs toutes couvertes de neige, couronnées de nuages, immobiles et majestueuses, telles de gigantesques divinités.

Annibale: Lo spettacolo delle Alpi

    Una lunga catena di uomini e cavalli, piegati sotto il peso dei bagagli, avanzava faticosamente per i sentieri ripidi di un selvaggio luogo alpestre.
    Di tanto in tanto risuonava nelle vallate scure il barrito lungo degli elefanti che svegliava nel solenne silenzio alpestre gli echi della montagna. Un capo, un generale, capelli al vento, serrava fra le sue gambe i fianchi magri di un piccolo cavallo nero e muscoloso, avanzava a volte con l’avanguardia, e a volte si fermava per incoraggiare i soldati stanchi e disperati che si sedevano sui sassi che ingombravano il cammino. Altre volte ancora questo capo scrutava dall’alto di una roccia quelle cime tutte bianche; le guardava intensamente come se avesse voluto interrogarle, quelle cime solitarie, quelle alture tutte coperte di neve, coronate di nuvole, immobili e maestose, come divinità gigantesche.

Varianti

Manoscritto Barbizon, 1937 cfr. Variante, Annibale: il quadro

Ce soir-là, Monsieur Dudron…, (Deux Fragments Inédits, 1938):
    Un paysage alpestre…; une longue chenille d’hommes et de quadrupèdes se déroulait et rampait péniblement par des sentiers abrupts. Les hommes avaient chargé leurs armes et leurs bagages et aussi les malades sur le dos des montures qui pliaient sous les poids. On entendait des cris, des commandements, le vent glacé sifflait entre les branches des sapins, des bruits de cascades, des hennissements prolongés de chevaux, des pierres se détachaient au passage de cette horde en marche, et roulaient par les pentes, et bondissaient en cognant contre les troncs des arbres dont l’écorce pourrie par l’humidité montrait après le choc une blessure livide et, de temps à autre, réveillant les échos de ces sites sauvages et solitaires, retentissait par les vallées obscures le barrissement long des éléphants. Se courbant sous le vent, un capitaine, un chef, chevauchait seul à la tête de la horde; parfois il s’arrêtait pour encourager ceux qui étaient fatigués ou que la peur commençait à gagner, parfois aussi il s’écartait, il poussait sa monture vers un coin où il se trouvait seul, et là il regardait longtemps, les interrogeant presque, ces hautes cimes couvertes de neige qui se dressaient immobiles et mystérieuses, telles des divinités inconnues, au-dessus d’une mer démontée de grands nuages blancs…; […].

Annibal: Le spectacle de la nuit

    Puis vint la nuit, une nuit profonde et le feu des bivouacs teignit de rouge l’obscurité. Le général écoutait d’un air pensif les chants nostalgiques, les tristes mélopées des jeunes mercenaires recrutés en hâte là-bas, dans les bourgades sauvages de la péninsule ibérique.
Quand la plainte des chants se taisait il entendait monter jusqu’à lui le sifflement du vent qui faisait rage au fond, dans les ravins et le chuchotement mystérieux des grandes forêts de sapins et le murmure sonore des torrents qui, avec l’humidité glacée, venait des gorges ténébreuses …
Quand Monsieur Dudron se réveilla il était tard ; presque onze heures. Il regretta d’avoir dormi si
longtemps malgré le rêve si suggestif qu’il avait rêvé. « Tout de même, se dit Monsieur Dudron, on ne vit pas de rêves, que diable. Il faut penser aussi à la réalité. »

Annibale: Lo spettacolo della notte

    Sopraggiunse la notte, una notte profonda, ed il fuoco dei bivacchi tinse di rosso l’oscurità. Il generale ascoltava con aria pensosa i canti nostalgici, le tristi melopee dei giovani mercenari reclutati in fretta laggiù, nei borghi selvaggi della penisola iberica.
    Quando il lamento dei canti si tacque, sentiva montare fino a lui il sibilo del vento che infuriava nei burroni, ed il sussurrare misterioso delle grandi foreste di abeti, ed il mormorare sonoro dei torrenti che, con ghiaccia umidità, scaturivano dalle gole tenebrose …
    Quando il Signor Dudron si svegliò era tardi: circa le undici. Gli dispiacque di aver dormito così a lungo malgrado il sogno così suggestivo che aveva fatto. «Comunque, – si disse il Signor Dudron; – non si vive di sogni, che diavolo. Bisogna pensare pure alla realtà ».

Varianti

Manoscritto Barbizon, 1937 cfr. Variante, Annibale: il quadro

Ce soir-là, Monsieur Dudron…, (Deux Fragments Inédits, 1938):
[…]; et puis une nuit descendit, comme une rideau qu’on baisse, sur le fond de la chambre de M. Dudron; une autre nuit que celle qui pesait sur le toit de sa maison endormie. Des feux de bivouacs teintèrent de gros points rouges l’obscurité. Le chef à présent était couché au milieu de son état-major harassé. Il écoutait les mille bruits parfois inexplicables de la montagne plongée dans les ténèbres. Il écoutait le mugissement continu des torrents qui, avec l’odeur  de l’humidité, venait d’en bas de ces ravins qu’on ne voyait plus; il écoutait aussi, avec une  vague inquiétude, les mélopées poignantes des jeunes mercenaires recrutés en hâte de l’autre côté des monts, dans ces bourgades sauvages de la péninsule ibérique, et dont les chants plaintifs montaient, comme un mauvais présage, dans la grande nuit.

Monsieur Melon: A l’Académie

    Onze heures et demie sonnèrent à l’horloge de la mairie.
Monsieur Dudron se rappela tout à coup qu’il avait à peine le temps de s’habiller en hâte et de sauter dans un autobus pour aller assister à la messe célébrée dans une petite église hors de la ville pour le repos de l’âme d’un élève de l’École des Beaux-Arts où Monsieur Dudron avait tenu avant un cours de dessin. Quand cet élève était vivant, ses camarades pour se moquer de lui l’appelaient Monsieur Melon, parce que souvent il parlait de cette cucurbitacée au parfum fort dont il aimait se régaler pendant les mois chauds de l’été. Ce jeune homme, dont la situation financière était plus que modeste, s’était éteint dans un hôpital des pauvres à la suite d’une fièvre typhoïde mal soignée. Le sobriquet de Monsieur Melon l’avait toujours terriblement irrité et Monsieur Dudron se souvenait qu’une fois ce jeune homme avait complètement perdu la tête à cause d’un camarade qui, à demi caché derrière le coin d’un mur, dans un corridor de l’école, s’obstinait à l’appeler Monsieur Melon, provoquant ainsi l’hilarité générale des élèves ; il avait sorti un rasoir de sa poche et, les yeux révulsés et la mâchoire de travers, s’était jeté sur son camarade. Qui sait ce qui serait arrivé si l’élève attaqué ainsi à l’improviste n’avait eu l’idée de fuir à toute vitesse en tournant autour des calques posés sur des socles en bois, et alignés le long du corridor de l’école. Ainsi, sous le regard immobile et l’expression lointaine et souriante des Zeus, des Junon, des Héraclès, il avait réussi à éviter son agresseur et à se réfugier dans la salle des cours d’anatomie, où il s’était enfermé à double tour.
    Le souvenir de toutes ces agaceries que, lui vivant, ils lui avaient fait subir, poussa les élèves de l’Académie, pris par un tardif remords, à faire célébrer une messe pour le salut de l’âme de leur camarade décédé. Cette messe devait être célébrée dans une petite église hors de la ville, et qui se trouvait dans une campagne au milieu des oliviers.

Il Signor Mellone: All’Accademia

    Le undici e mezza suonarono all’orologio del municipio.
Il Signor Dudron si ricordò tutt’a un tratto di aver appena il tempo di vestirsi in fretta e di saltare in un autobus per andare ad assistere alla Messa celebrata in una piccola chiesa fuori città per il riposo dell’anima di un allievo della Scuola di Belle Arti dove il Signor Dudron aveva tenuto un corso di disegno.
    Quando quell’allievo era ancora vivo, i suoi compagni per prenderlo in giro lo chiamavano Signor Mellone perché spesso egli parlava di quella cucurbitacea dal profumo forte di cui amava farsi dono durante i mesi caldi dell’estate. Questo giovane le cui condizioni finanziarie erano più che modeste si era estinto in un ospizio di poveri in seguito ad una febbre tifoide mal curata. Il soprannome di signor Mellone l’aveva sempre terribilmente irritato, ed il Signor Dudron ricordava come una volta questo ragazzo avesse perso completamente la testa a causa di un compagno, che, mezzo nascosto dietro lo spigolo di un muro, in un corridoio della scuola, si osti¬nava a chiamarlo signor Mellone provocando così l’ilarità generale degli allievi. Egli allora aveva tirato fuori un rasoio dalla tasca, e con gli occhi fuori dell’orbita e la mascella di traverso, si era gettato sul suo compagno. Chi sa che sarebbe accaduto se l’allievo attaccato così all’improvviso non avesse avuto l’idea di fuggire a gambe levate girando intorno a dei calchi posati su basi di legno ed allineati lungo il corridoio della scuola. Così sotto lo sguardo immobile e l’espressione lontana e sorridente dei vari Giovi, Giunoni ed Ercoli era riuscito ad evitare il suo aggressore ed a rifugiarsi nella sala del corso d’anatomia dove si era rinchiuso a doppia mandata.
    Il ricordo di tutti questi dispetti ai quali l’avevano sottoposto quando era ancora vivo, spinse gli allievi dell’Accademia, presi da un rimorso tardivo, a fare celebrare una Messa per il bene dell”anima del loro compagno estinto. Quella Messa si doveva celebrare in una piccola chiesa fuori città, sita in campagna in mezzo agli olivi.

Varianti

Manoscritto Dusdron, metà anni ’30:
    Ainsi continuait à théoriser Monsieur Dusdron lorsqu’ayant consulté sa montre il s’aperçut qu’il avait à peine le temps de sauter dans un autobus pour aller assister à la messe célébrée pour le repos de l’âme d’un élève de l’école polytechnique que les camarades pour se moquer de lui appelaient Melons -Monsieur Melons; parce que souvent il parlait de ce cucurbitacée au parfum fort dont il se régalait pendant les mois chauds de l’été; ce sobriquet l’irritait énormément et une fois ayant complètement perdu la tête devant un camarade qui s’obstinait à l’appeler Monsieur Melons il sortit de sa poche un rasoir et l’ayant ouvert se jeta sur son camarade les yeux révulsés et la mâchoire de travers; qui sait ce qu’il serait arrivé si le jeune homme attaqué ainsi à l’improviste n’avait eu la présence d’esprit de fuir à toute jambe en zigzagant autour des calques en plâtre de statues antiques qui ornaient les corridors de l’école, et ainsi sous le regard immobile et l’expression lointaine et souriante des Zeus, des Junon, des Hercule, il réussit à éviter son agresseur et à se refugier dans la salle des cours d’anatomie où il s’enferma à double tour. Le souvenir de toutes ces agaceries que lui vivant ils lui avaient fait subir. Les élèves de l’école polytechnique par une espèce de tardif remords décidèrent de faire célébrer dans une petite église située hors de la ville et perdue au milieu des oliviers une messe pour le repos de son âme.

Manoscritto Dudron-Levy, 1936:
    Monsieur Dudron continuait à penser et à rêver aux choses les plus différentes lorsque ayant regardé sa montre il s’aperçut qu’il avait à peine le temps de s’habiller et de sauter dans un autobus afin d’aller assister à la messe célebrée pour le repos de l’âme d’un élève de l’école des beaux-arts que ses camarades, pour se moquer de lui, appelaient melons, monsieur melons, parceque souvent il parlait de ce cucurbitacé au parfum fort dont il se regalait pendant les mois chauds de l’été. Ce sobriquet l’irritait énormément et une fois ayant complètement perdu la tête devant un camarade qui s’obstinait à l’appeler monsieur melons il sortit de sa poche un rasoir et, l’ayant ouvert, se jeta sur son camarade, les yeux révulsés et la machoire de travers.
Qui sait ce qui serait arrivé si le jeune-homme, attaqué ainsi à l’improviste, n’avait eu la presence d’esprit de fuir à toutes jambes en zizzaguant autour des calques de statues antiques qui ornaient les corridors de l’école et ainsi, sous le regard immobile et l’expression lointaine et souriante des Zeüs, des Junons, des Héraclés, il reussit à eviter son agresseur et à se refugier dans la salle des cours d’anatomie où il s’enferma à double tour.
Se souvenant de toutes ces agaceries que, lui vivant, ils lui avaient fait subir, les élèves de l’école polytéchnique, par une espèce de tardif remord, avaient decidé de se côtiser pour faire célebrer dans une petite eglise située loin de la ville et perdue au milieu des oliviers, une messe pour le repos de son âme.

Il signor Poponi in Avventura del signor Dudron. Capitolo di Giorgio de Chirico (“Corriere Padano” 21 dicembre 1941):
    Il signor Dudron guardò il suo orologio e s’accorse che aveva appena il tempo di vestirsi in fretta e di correre a pigliare l’autobus per andare ad assistere alla messa celebrata per il riposo dell’anima d’un allievo della scuola di pittura che i suoi compagni, per canzonarlo, avevano soprannominato Poponi, il signor Poponi, poichè spesso egli parlava di questo cucurbitaceo dal forte profumo di cui mangiava la saporita polpa durante i mesi caldi dell’estate. Ma tale soprannome lo irritava enormemente e, una volta, avendo completamente perso la ragione davanti ad un compagno che si ostinava a chiamarlo Signor Poponi, tirò fuori dalla tasca dei calzoni un rasoio ed apertolo s’avventò sul compagno canzonatore con gli occhi stralunati e la mascella storta. Chi sa che sarebbe successo se quel giovane, attaccato così all’improvviso non avesse avuto la presenza di spirito di fuggire a gambe levate girando intorno ai grandi calchi di gesso che ornavano il corridoio della scuola e cosò sotto lo sguardo immobile e l’espressione lontana e sorridente dei Giovi, delle Giunoni e quella cupa degli Ercoli, riuscì a sfuggire al suo aggressore ed a rifugiarsi nella sala dei corsi d’anatomia ove si rinchiuse a doppio giro di chiave.
Il ricordo di tutte queste angherie che gli allievi della scuola di pittura avevano inflitto al loro compagno defunto, aveva provocato in loro, una specie di un rimorso tardivo e si erano decisi di far celebrare, in una piccola chiesa sita fuori della città e perduta in mezzo agli ulivi, una messa per il riposo della sua anima.

Monsieur Melon: Le paysage

    Lorsque Monsieur Dudron arriva, l’office touchait à sa fin. C’était une belle matinée d’hiver, claire et froide. Il avait neigé la veille et le sol était encore tout blanc. Des éclaboussures immaculées, tels des flocons d’ouate, restaient attachées aux troncs et aux branches des oliviers, dont quelques-uns, qui avaient été frappés par la foudre, avaient un tronc tordu, fendu et brûlé, qui faisait penser à des condamnés de l’enfer dantesque. Ces arbres, qui évoquent tellement l’idée du paysage méridional, contrastaient en ce moment avec l’aspect nordique de la campagne toute blanche de neige et du plafond de nuages bas et d’un gris foncé, sous lequel des couples de corbeaux volaient d’un vol lourd en poussant de temps en temps ce croassement que Monsieur Dudron avait toujours aimé.

Il Signor Mellone: paesaggio

    Quando il Signor Dudron arrivò, la celebrazione era pressoché finita. Era una bella mattinata d’inverno, chiara e fredda. Aveva nevicato la sera precedente ed il suolo era ancora tutto bianco. Chiazze immacolate come fiocchi d’ovatta erano rimaste attaccate ai tronchi ed ai rami degli olivi di cui alcuni, che erano stati colpiti dai fulmini, avevano il tronco contorto, spaccato e bruciato e facevano pensare ai condannati dell’inferno dantesco. Quegli alberi che evocano tanto l’idea del paesaggio meridionale, contrastavano in quel momento con l’aspetto nordico della campagna tutta bianca di neve e dello sfondo di nuvole basse di un grigio cupo, sul quale coppie di corvi volavano con volo pesante, emettendo di tanto in tanto quei gracchiti che il Signor Dudron aveva sempre amati.

Varianti

Manoscritto Dusdron, metà anni ’30:
    Lorsque Monsieur Dusdron arriva l’office touchait à sa fin. C’était une belle matinée d’hiver claire et froide. Il avait neigé la veille et le sol était encore tout blanc des éclaboussures candides telles des flacons d’ouate étaient encore attachées aux branches et aux troncs des oliviers, dont quelques-uns, frappés par le foudre, avaient un aspect vraiment dantesque; d’ailleurs ces arbres qu’évoquent tellement l’idée du paysage méridional contrastaient avec l’aspect nordique du ciel d’un gris foncé et où des couples de corbeaux volaient lourdement et du terrain que recouvrait la blancheur de la neige. 

Manoscritto Dudron-Levy
, 1936:
    Lorsque Monsieur Dudron arriva l’office touchait à la fin. C’était une belle matinée d’hiver, de vrai hiver. Il avait neigé la veille et le sol était encore tout blanc; des eclaboussures candides, comme des morceaux d’ouate, étaient encore attachées aux troncs des oliviers dont quelquesuns, frappés par la foudre avaient un aspect vraiment dantesque. D’ailleurs ces arbres, qui évoquent tellement l’idée du paysage méridional, contrastaient avec l’aspect nordique du ciel, d’un gris foncé et où des couples de corbeaux volaient lourdement.

Il signor Poponi in Avventura del signor Dudron. Capitolo di Giorgio de Chirico (“Corriere Padano” 21 dicembre 1941):
    Quando il signor Dudron arrivò la messa stava per finire. Era un bel mattino d’inverno, chiaro e freddo. La vigilia era caduta la neve ed il suolo era tutto bianco; delle chiazze candide, come flocchi d’ovatta, stavano ancora attaccate ai tronchi ed ai rami degli olivi di cui alcuni che erano stati colpiti dal fulmine, avevano un aspetto veramente dantesco. Del resto quegli alberi, che evocavano talmente l’idea del paesaggio meridionale, contrastavano col candore del suolo e l’aspetto nordico del cielo d’un grigio cupo ed ove delle coppie di corvi volavano pesantemente.

Monsieur Melon: Les élèves

    La messe étant finie, les élèves sortirent de l’église en se frottant les mains rougies par le froid et en soulevant le col de leur pardessus. Comme midi avait sonné depuis longtemps, ils entrèrent dans une petite auberge. Ils déjeunèrent avec des herbes amères, dûment lavées et assaisonnées avec de l’huile, du sel et du citron; ils ajoutèrent des olives et du pain noir; après ils burent une tasse de café noir et aromatisé avec de l’anis et dans lequel ils trempèrent des biscuits secs. Ce repas, bien que léger, les réchauffa et dissipa un peu la tristesse dans laquelle les avaient plongés la messe, dans cette petite église perdue au milieu de la campagne couverte de neige, et le souvenir de ce camarade disparu que leur juvénile insouciance avait fait un peu leur victime. Une guitare apparut et après être passée de l’un à l’autre, finit entre les mains d’un élève qui savait jouer et qui commença à pincer des accords rythmiques. On entonna en chœur de nostalgiques chansons d’amour, et puis tous sortirent en chantant, avec le guitariste en tête. Les pieds s’enfonçaient dans la neige et on entendait de temps à autre le croassement des corbeaux. Sous le ciel bas et gris, les refrains de la triste chanson d’amour se perdaient, avec les accords de la guitare, dans l’air tranquille et froid.

   Les routes sont blanches de neige
Et pourtant tu vois que j’avance toujours !
Ô jeune fille, garde notre amour,
Car le monde est méchant !

Il Signor Mellone: Allievi in allegria

    A Messa finita, gli studenti uscirono dalla chiesa stropicciandosi le mani arrossate dal freddo ed alzando il bavero dei loro pastrani. Siccome era suonato mezzogiorno da tempo entrarono in una piccola locanda. Fecero colazione con erbe amare, dovutamente lavate e condite con olio, sale e limone; aggiunsero delle olive e pane nero; poi presero una tazza di caffè nero, aromatizzato con anice e vi inzupparono biscotti secchi. Questo pasto, per quanto leggero, li riscaldò e dissipò un poco la tristezza nella quale li aveva precipitati la Messa, in quella piccola chiesa sperduta nella campagna coperta di neve, e il ricordo di quel compagno dipartito, che essi avevano reso un poco vittima della loro giovanile spensieratezza. Apparve una chitarra, e dopo essere stata passata dall’uno all’altro, fini nelle mani di uno scolaro che sapeva suonarla, e che cominciò a pizzicare degli accordi ritmici. S’intonò un coro di nostalgiche canzoni d’amore, e poi tutti uscirono cantando, con chitarrista in testa. I piedi affondavano nella neve e si sentiva di tanto in tanto il gracchiare dei corvi. Sotto il cielo basso e grigio, il ritornello della triste canzone d’amore si perdeva, con gli accordi della chitarra, nell’aria tranquilla e fredda …

    Le strade son bianche di neve
Eppur vedi che sempre m’avvicino!
O fanciulla, abbi cura del nostro amore
Ché il mondo è cattivo!

Varianti

Manoscritto Dusdron, metà anni ’30:
    Après la messe les élèves sortirent de l’église en se frottant les mains rougies par le froid et en relevant le col de leurs pardessus. Comme il était environ midi ils entrèrent dans une auberge et déjeunèrent sommairement avec des herbes amères lavées et assaisonnées d’huile, de sel et de citron, avec des olives et du pain noir; après ils burent chacun une tasse de café dans laquelle ils trempèrent des biscuits; ce repas bien que léger les réchauffa et dissipa un peu cette tristesse dans laquelle les avait plongés la messe et le souvenir de ce camarade que leur juvénile insouciance avait fait un peu leur victime; une guitare passa de l’un à l’autre et finit par être jouée par un élève que l’on y connaissait un peu; on entonna des chœurs et puis tous sortirent avec le guitariste en tête en chantant de tristes chansons d’amour; les pieds s’enfonçaient dans la neige, on entendait de temps en temps le croassement des corbeaux et sous le ciel bas les couplets de la chanson avec les accords rythmiques de la guitare se perdaient dans l’air glacé. Froid sous le ciel bas

Les routes sont blanches de neige 
et pourtant tu vois que j’avance toujours; 
Ô jeune fille garde notre amour, 
car le monde est bien méchant. 

Manoscritto Dudron-Levy, 1936:
    Après la messe les élèves sortirent de l’église en se frottant les mains rougies par le froid et en relevant le col de leurs pardessus. Comme il était environ midi ils entrèrent dans une auberge et déjeunèrent sommairement avec des herbes amères lavées et assaisonnées d’huile de sel et de citron, avec des olives noires et du pain bis; après ils buvent chacun une grande tasse de café dans lequel ils trempèrent des biscuits parfumés à l’anis. Ce repas, bien que frugal, les rechauffa et dissipa un peu cette tristesse dans laquelle les avait plongés la messe et le souvenir de ce camarade que leur juvénile insouciance avait fait parfois souffrir. Une guitare passa de l’un à l’autre et finit dans les mains d’un jeune-homme qui commença à y’ebaucher des accords avec goût et sentiment. On entonne des chansons, des tristes chansons d’amour et puis tous sortirent, avec le guitariste en tête. Les pieds s’enfonçaient dans la neige; on entendait de temps en temps le croassement des corbeaux et sous le ciel bas les couplets de la chanson, qui accompagnaient les accords rythmiques de la guitare, se pérdaient dans l’air glacé: 

Les routes sont blanches de neige
et pourtant tu vois que j’avance toujours;
ô jeune-fille garde notre amour,
car le monde est méchant!

Allievi in allegria in Avventura del signor Dudron. Capitolo di Giorgio de Chirico (“Corriere Padano” 21 dicembre 1941):
    Dopo la messa gli allievi uscirono dalla chiesa, fregandosi le mani arrossate dal freddo e sollevando i colletti del loro soprabiti. Poiché era quasi mezzogiorno entrarono in un’osteria e consumarono una frugale colazione composta di erbe amare, di insalate lavate e condite con olio sale e limone, di olive nere e di pane fatto dai contadini; dopo bevvero anche una tazza di caffè caldissimo nel quale inzupparono dei biscotti che sapevano d’anice. Questo spuntino benché leggerissimo rifocillandoli allontanò alquanto quella tristezza in cui gli aveva immersi la messa ed il ricordo del loro compagno che la loro giovanile incoscienza aveva fatto la loro vittima. Una chitarra, che l’allievo più anziano, discreto chitarrista, aveva portata con sè e lasciata nell’osteria prima di recarsi alla messa, fu staccata dal muro ed il suo proprietario, dopo qualche accordo preliminare, cominciò a cantare delle romanze malinconiche ove si trattava delle gioie e delle delusioni dell’amore. Poi tutti insieme gli allievi intonarono dei cori e poco dopo, col chitarrista in testa, uscirono cantando dall’osteria. I piedi affondavano nella neve; di quando in quando si udiva il gracchiare dei corvi e sotto il cielo basso gli accenti della canzone insieme agli accordi ritmici della chitarra si dileguavano nell’aere gelato.

le strade son bianche di neve
eppur vedi che io avvanzo.
O fanciulla custodisci il nostro amore
Perché gli uomini sono cattivi!

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